Utilisation éthique des poissons
Communiqué de presse, le 1er décembre 2014
Depuis plusieurs années, des scientifiques cherchent à savoir si les poissons sont capables de ressentir la douleur. La Commission fédérale d’éthique pour la biotechnologie dans le domaine non humain (CENH), qui a étudié les arguments centraux avancés par les chercheurs, arrive à la conclusion qu’on ne peut exclure que certaines espèces de poissons soient dotées de sensibilité. Cette constatation pose des conditions à la manière dont nous utilisons les poissons. Dans son rapport, la CENH fait part de ses réflexions et émet des recommandations à l’intention des détenteurs de poissons et des pêcheurs, mais aussi des chercheurs et du législateur.
Face aux problèmes liés à la surpêche et à l’intensification de la pisciculture, le débat public se limite souvent à la question de l’utilisation durable des poissons, en d’autres termes une exploitation qui préserve les ressources, qui respecte l’environnement et qui est socialement acceptable. La question de savoir si nous avons des obligations éthiques envers chaque poisson pris individuellement n’est en règle générale pas abordée. Faut-il respecter les poissons sur le plan moral indépendamment de leur utilité pour l’être humain ? Quels sont les critères déterminants en la matière ? Les poissons remplissent-ils ces critères ?
Les poissons représentent environ la moitié du nombre total de vertébrés, estimé à 64 000 espèces. Ils ne forment toutefois pas une unité du point de vue de la systématique zoologique. Le terme regroupe simplement des animaux morphologiquement semblables. Comparé à d’autres vertébrés et animaux de rente, nous en savons peu sur les poissons. Des études récentes sur la sensation de douleur chez les poissons et leurs capacités cognitives ont suscité la controverse : tant dans les milieux scientifiques que dans la société, les avis sur la sensibilité des poissons divergent.
La majorité des membres de la CENH estiment que, si les connaissances scientifiques actuelles ne fournissent pas de preuves au sujet de la sensibilité des poissons, il est toutefois difficile, à la lumière des indices recueillis, de leur dénier toute sensibilité à la douleur du moins à certaines espèces. Une minorité de la commission est quant à elle d’avis que, sur la base des données scientifiques, on ne peut que répondre affirmativement à la question de savoir si certains poissons disposent d’une forme spécifique de sensibilité à la douleur.
La sensibilité et les capacités cognitives sont pertinentes du point de vue éthique, et ce pour différentes raisons. Pour la majorité des membres de la commission, il s’agit là de critères importants pour le respect d’un épanouissement conforme à l’espèce. Pour la minorité de la commission, la sensibilité est le critère déterminant : si les poissons peuvent ressentir la douleur, alors ils doivent faire l’objet d’un respect moral.
De l’avis de tous les membres, utiliser les poissons avec attention et respect s’impose même en l’absence de certitude absolue au sujet de leur sensibilité à la douleur. Il s’agit d’examiner à la lumière des nouvelles connaissances scientifiques les méthodes d’étourdissement et de mise à mort, les conditions de détention (pisciculture, détention à titre privé ou dans le cadre de projets de recherche) et la pêche :
- les poissons doivent être mis à mort si possible sans subir de stress ni de douleur, et ce pas seulement sur le plan théorique, mais dans la pratique (p. ex. dans les aquacultures) ;
- les risques techniques liés à l’élevage et à la détention doivent être minimisés de telle sorte qu’un dysfonctionnement ne puisse pas entraîner une mortalité massive des poissons,
- la pêche à la ligne et la mise à mort des poissons doivent être soumises à l’obtention d’une attestation de compétences ; des dérogations ne devraient pas être possibles de l’avis de la CENH ;
- la recherche visant à améliorer le bien-être du poisson doit être soutenue de façon ciblée, notamment concernant les poissons qui font l’objet d’un élevage intensif et sur lesquels peu de connaissances sont disponibles, tout en tenant compte du fait que les poissons d’élevage peuvent développer d’autres besoins que leurs congénères sauvages ;
- les efforts visant à améliorer les expérimentations animales selon la règle dite des trois R (réduire, affiner, remplacer) ne doivent pas se traduire par un remplacement des espèces plus « évoluées », comme les souris et les rats, par les poissons sans faire l’objet d’un contrôle.
Rapport de la CENH : Utilisation éthique des poissons (2014)